L’Arménie est la voisine immédiate de la Géorgie, où je séjournais avec quelques collègues guides, l’hiver dernier. Et comme plusieurs agences de la capitale géorgienne y propose des excursions, il n’en fallait pas beaucoup plus pour piquer notre curiosité ! En moins de deux, nous nous sommes donc retrouvés en route pour la frontière arménienne… En route pour une journée dans le nord-est de l’Arménie, qui nous réservait des paysages et des émotions en majuscules !
Quelques minutes après avoir franchi la frontière, premier choc : la ville d’Alaverdi porte clairement les traces – pour ne pas dire les cicatrices – du communisme et de l’ère soviétique… Austère et désolée, la vallée au creux du canyon est couverte d’anciennes usines désuètes ou clairement abandonnées, au milieu desquelles roulent de vieilles voitures russes, toutes aussi rouillées et rafistolées à outrance.
Plus loin, dans la campagne, nous croisons quelques paysans, marchant le long de la route le dos courbé, luttant contre le vent qui s’engouffre dans leurs manteaux sombres, trop minces et trop usés. Dans les villages, quelques vêtements sèchent au milieu des hangars de tôle et des maisons modestes, calfeutrées avec des moyens de fortune. Quelques poules s’aventurent sur la route, probablement dans l’espoir d’y trouver quelque chose à picorer, alors que les sols semblent sur le point de geler. Manifestement, le climat et les conditions de vie semblent rudes et impitoyables, surtout l’hiver… Aucun artifice, aucun filtre, aucun « gars des vues » pour dorer la pilule : les paysages et les gens nous apparaissent tel quels, dans toute leur vérité… Mais, étrangement, il s’en dégage tout de même une certaine beauté : un peu brute et sauvage, mais assurément mystérieuse…
Des monastères qui résistent au temps…
A cheval entre l’Europe et l’Asie, les montagnes du Grand et du Petit Caucase culminent à 4000 ou 5000 mètres et semblent presqu’inatteignables, tant leurs sommets – couverts de neiges éternelles – se confondent avec les nuages. Mais elles ont vu passer les caravanes de la Route de la Soie et les premiers moments de la chrétienté en Occident… Et, en voyant de tels paysages presque surréels, on comprend à quel point il fallait une foi fervente pour venir s’installer par ici… D’ailleurs, cette impression se confirme lorsqu’on visite les monastères de Sanahin et de Haghpat : tous deux classés au Patrimoine mondial de l’Unesco, parce qu’ils représentent d’excellents exemples de l’architecture religieuse en Arménie, du dixième au treizième siècle.
Situés non loin l’un de l’autre, ces deux monastères ont été fondés par la reine Khosrovanouch et partagent de nombreux points communs, dont la présence de bâtiments similaires, un beau campanile (ce qui est plutôt rare en Arménie) et une bibliothèque, puisque les deux sites sont aussi devenus d’importants centres de rayonnement intellectuel, au Moyen-âge. Bien qu’il soit plus près de la ville, le monastère de Sanahin est encerclé de nombreux arbres; ce qui lui confère une belle auréole de paix et de sérénité. Les murs de l’église semblent prêts à nous chuchoter leurs histoires, d’autant plus que certains portent encore les traces des anciennes fresques multicolores. Le monastère de Haghpat, lui, se trouve encore plus haut dans la vallée, comme lové et protégé par un écrin de cimes majestueuses, qui nous donnent l’impression de flotter entre ciel et terre… Chose certaine, qu’on soit croyants ou pas, on ressent ici une véritable aura de spiritualité, qui nous étreint continuellement…
De la foi au festin :
Si la religion orthodoxe demeure certainement un des piliers de la culture arménienne, nous en avons aussi découvert un deuxième : l’hospitalité… Notre repas du midi était prévu dans une famille arménienne et nous avons vraiment été accueillis comme un des leurs… Avec beaucoup de chaleur et de générosité! Croyez-moi, il faisait plutôt froid dans le reste de la maison mais, manifestement, tout avait été déployé pour que le salon principal soit confortable et accueillant, avec une table remplie de victuailles pour nous souhaiter la bienvenue ! J’avoue, j’étais à la fois émue et impressionnée, me demandant si la famille n’avait pas vidé son frigo pour nous accueillir… La mère et les enfants étaient tous sourires et manifestaient beaucoup de curiosité et d’intérêt, malgré la barrière de langues qui limitait les conversations à quelques mots… D’ailleurs, le chauffeur (arménien) servait d’intermédiaire, pour certaines questions. Chose certaine, la table respectait tout à fait la tradition arménienne, avec une multitude de plats – salades de tomates et de betteraves, feuilles de vignes, brochettes de bœuf et de porc, pommes de terre et boissons – tous présentés simultanément. Comme l’expliquait le guide, la cuisine arménienne reflète les nombreuses invasions et influences historiques de ses voisins, puisqu’elle s’apparente aux cuisines du Liban, de la Grèce ou de la Turquie. On y retrouve donc des « mezzés » (ex : houmous, taboulé, saucissons, légumes crus, etc.), des poissons et des brochettes de viande (à base de porc, de poulet, d’agneau ou de bœuf), souvent accompagnés de riz ou de frites. Quant à leurs desserts, ils se rapprochent eux aussi des desserts orientaux, grecs et méditerranéens, avec les célèbres baklavas et d’autres pâtisseries à base de fruits secs, de blé ou de riz, aromatisés au miel, à la cannelle ou à l’eau de fleur d’oranger.
Chose certaine, notre repas arménien était à la fois copieux, délicieux et très chaleureux. Au terme de cette journée, je commençais à comprendre pourquoi l’Arménie suscite de plus en plus l’intérêt des visiteurs (notamment les randonneurs). Bien que les routes et les infrastructures soient encore peu développées, les émotions, elles, sont bien là : aussi vraies et surprenantes que les montagnes du Caucase !
Informations pratiques :
Excursions à partir de Tbilissi : L’agence Envoy Tours à Tbilissi propose des excursions d’une journée vers l’Arménie. Ils ont aussi une auberge (style auberge de jeunesse) au 45 Betlemi, dans la vieille ville. Tel: 995-322-920-111. http://www.envoytours.com
Formalités : Les visas pour l’Arménie se règlent à la frontière.
Monnaie : L’Arménie possède sa propre devise, le dram, qu’on peut obtenir au poste-frontière. Par contre, les roubles, les Euros et les dollars américains y circulent également.
Bon à savoir : Si un voyage dans la région du Caucase vous intéresse, CAA Voyages propose un circuit intitulé « la Mosaïque du Caucase ». Il s’agit d’un circuit de 17 jours, en petits groupes de 20 personnes au maximum, et qui inclue la visite des incontournables en Géorgie, en Azerbaïdjan et en Arménie. https://voyage.caaquebec.com