Hermès, le dieu des voyageurs, me vantait souvent la beauté des Cyclades… Et un jour, il me mena vers Amorgos: une île beaucoup moins connue que ses voisines, mais qui cache bien son jeu !
Située à l’extrémité est des Cyclades, Amorgos est une île longue et étroite, qui a connu son quart d’heure de gloire lors du tournage du film Le Grand Bleu, à la fin des années 80. Mais hormis quelques fans du film, rares sont ceux qui s’en souviennent… En apparence, Amorgos semble donc n’avoir rien à offrir. Enfin, presque. Certes, il y a bien quelques témoignages de la civilisation cycladique (7ème siècle av. JC), sur le site archéologique de Minoa, perché au-dessus du port de Katapola. Mais il y a surtout une sorte de lenteur, de simplicité et de beauté, qui semblent bénies des Dieux, justement… Des paysages montagneux, deux ports souvent tranquilles et de nombreux villages tout blancs, perchés au milieu du maquis et des marguerites.
Ici, les bateaux qui arrivent d’Athènes se font plus rares. Ces jours-là, le trafic et le bruit augmentent, la majorité des familles descendent au port pour aller y chercher des denrées ou des invités. Mais le bateau n’a pas sitôt quitté la baie que l’île reprend son rythme normal : plutôt celui des ânes que des voitures… Qu’on le veuille ou non, Amorgos nous force à lâcher prise, nous incite à redécouvrir le plaisir d’un long lunch sur le port, une promenade sur un sentier fleuri, une sieste sur une plage ou une fête, qui commence au soleil pour se terminer… sous les étoiles.
Ce jour-là, des tables occupent presque toute la place du village de Chora. Comme les Grecs aiment bien manger, elles débordent de victuailles : agneau, moussaka, gâteaux, ouzo, etc. Les aînés se font l’accolade, les mères présentent fièrement leur petit dernier et deux musiciens accordent leurs instruments. Dès les premières notes, tous les enfants accourent des ruelles voisines en agrippant tout ce beau monde – nous compris ! – pour nous entraîner dans le cercle de danseurs. La même exubérance que dans le film Le mariage de l’année, mais sans décor ni figurant. Seulement un petit village et des gens dont la vie, manifestement, s’articule beaucoup autour de la famille, des fêtes et de la religion.
Car malgré sa petite taille, il semble y avoir dans cette île presque autant d’églises que de jours dans l’année… Et toutes ont leur procession. Ainsi, dans les semaines qui précèdent et suivent la Pâques orthodoxe, on ne peut manquer de croiser un cortège de villageois, précédés par les curieux popes barbus qui transportent les icônes sacrées. Mais la plus précieuse de toute –la Vierge d’Hozoviotissa – se cache à l’abri des regards, dans le monastère du même nom, agrippé sur une falaise abrupte de 180 mètres de hauteur. Au petit matin, ce monastère tout blanc scintille littéralement, tel un diamant. Plus on s’en approche, plus il nous apparaît imposant. Mais une fois là haut ( 300 marches plus tard!), on constate que sa chapelle n’a que cinq mètres de largeur. Quelques moines nous y accueillent volontiers, au milieu des icônes et des volutes d’encens. Mais l’ ambiance spéciale dans cette petite chapelle et ses vues sur la mer m’ont donné envie de louanger tous les dieux du panthéon grec! Surtout Hermès qui, visiblement, avait bien calculé son coup…